American Sniper, le film qui cristallise l’irrationalité de l’homme.
Alors qu’il devrait être perçu pour ce qu’il est, une adaptation cinématographique d’une autobiographie,
voilà que certain le propulse en témoin de l’Histoire.
Aux Etats-Unis, le débat est enflammé. Les contradicteurs le voient comme une allégorie de la guerre et
un film de propagande de l’armée...à l’exception près que la Maison Blanche n’a jamais passé commande.
Un comble pour le réalisateur Clint Eastwood, obligé de rappeler son opposition en 2003 à la guerre en Irak.
Les Etats-Unis rejouent ses clivages politiques et culturels à la limite de la caricature.
Et l’arme adaptée pour sniper son détracteur, le tweet
(message envoyé sur twitter).
Une Amérique divisée mais pas la seule à en perdre la raison.
La France voit naitre une polémique initiée par « un bien-pensant », le sénateur UDI Yves Pozzo di Borgo.
Ce dernier, via une lettre adressée à Mr le Président Hollande,
demande le report de la sortie du film dans les salles françaises.
Prévu le 18 février, une date trop proche des attentats selon lui et craint que le film
ne contribue à la stigmatisation de la communauté musulmane en France.
Une réaction inattendue à l’heure où la France chasse les amalgames.
Le sénateur centriste en devient l’un des acteurs en suggérant que ce film fait l’apologie contre la communauté musulmane.
American Sniper retrace le parcours de Chris Kyle, tireur d’élite de l’armée américaine,
lors de l’Opération liberté irakienne. Surnommé « Al-Shaitan », le diable par les belligérants,
« La Légende » par ses frères d’armes, ce soldat des Navy Seal a tué à longue distance 160 personnes
lors de violents combats urbains sur le sol irakien. Un chiffre officiel éloigné des 255 morts revendiqués
par le protagoniste. Des combattants ennemis abattus, non pas pour leur confession religieuse mais
pour atteinte aux intérêts américains.
"American Sniper" relate le vécu de ce soldat américain et sa vision du conflit. Une vérité subjective
puisque la perception de Chris Kyle n’est pas celle de tous les soldats américains, des civils irakiens
et des insurgés.
Une partialité contestée en Irak. Beaucoup de spectateurs irakiens ont été offensés par les propos
tenus par ce tireur d’élite les décrivant comme des sauvages
.
Après quelques projections, le film est retiré du seul cinéma de Bagdad sous la pression du ministère
de la Culture selon le
Washington Post.
Le gérant du cinéma aurait reçu un appel le menaçant d’une amende et de fermeture
s’il continuait à projeter le film.
American Sniper ne réveille pas que les hostilités passées.
Le projection du film soulève de nombreuses interrogations sur l’équité d’un procès bien présent.
Celui d’Eddy Ray Routh, vétéran atteint du syndrome de stress post-traumatique et assassin de Chris Kyle
et de son ami Tchad Littlefield.
Ses avocats, inquiets d’une éventuelle influence du film sur le jury ont demandé que le procès soit ajourné.
Une motion rejetée par le juge Jason Cashon.
Ce dernier, certain que le film n’aura aucune incidence, n’a pas jugé éliminatoire les jurés qui ont vu
le film ou lu le livre. Ce 11 février débute le procès d’Eddy Ray Routh dont les procureurs ont requis
la peine de mort.
American Sniper, le film de guerre le plus rentable aux Etats-Unis.
L’émoi suscité par l’adaptation cinématographique d’une biographie a contribué à la réussite du dernier
film de Clint Eastwood. Triomphe au box-office américain avec près de 250 millions de dollars engendrés
en moins d’un mois d’exploitation,
6 nominations aux oscars, American Sniper fait la réussite de ceux
qui l’ont perçu non pas comme une référence historique mais comme un simple blockbuster.
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